Delphine Chlewicki Hazout & Karine Rozenblum
Aujourd’hui, rares sont les sociétés ou même les particuliers qui n’ont pas créé ou n’ont pas le projet de créer eux-mêmes ou de faire concevoir par un tiers un site internet afin de présenter leur activité. Toutefois, la simplicité apparente de la communication sur internet ne doit pas faire oublier les contraintes juridiques et le respect des droits des tiers.
Internet n’échappe pas à l’augmentation de la place du droit dans notre société. La création et l’utilisation d’un site doivent donc se faire avec prudence et de façon éclairée. Les questions juridiques sont multiples. L’étude relative aux règles de prudence sur internet aborde dans cette première partie (1) les relations juridiques avec les différents acteurs concourant à la mise en place d’un site internet et son contenu.
Les relations entre les différents acteurs au moment de la création du site
La société peut concevoir elle-même son propre site. Si un ou plusieurs salariés concourent à la création du site ou à son animation, des règles de prudence sont à rappeler.
Le salarié qui participe à la création d’un site internet de la société a en effet des droits d’auteur dès lors que son apport est original et parfaitement identifiable. Il est donc indispensable de prévoir une cession des droits du salarié au profit de la société : il s’agit d’un écrit spécifique à détailler, si cela n’est pas prévu dans le contrat de travail.
La société peut également externaliser la conception de son site. Il est alors vivement conseillé de signer un contrat avec le prestataire afin de définir les modalités de la conception, de la réalisation et du développement du site. Outre les mentions usuelles concernant l’objet de la prestation, son prix et les délais de réalisation, certaines mentions complémentaires sont souhaitables : une clause de confidentialité pour interdire au prestataire de divulguer des informations relatives au fonctionnement de la société, une obligation de remise par le prestataire des fichiers sources nécessaires à l’exploitation du site et un cahier des charges, en annexe, visant l’ensemble des spécifications techniques à partir desquelles sera créé le site (architecture densemble, arborescence, mise en place des fichiers, paramétrages, etc.).
Outre la création du site, il convient de formaliser les modalités de sa mise en réseau. Le contenu du site est hébergé soit directement sur les machines de lexploitant, soit chez un prestataire spécialisé, appelé fournisseur dhébergement.
Depuis la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est obligatoire dindiquer sur le site les coordonnées du fournisseur dhébergement (nom, dénomination ou raison sociale et siège social). A défaut, la sanction pénale encourue est particulièrement lourde.
Entre l’hébergeur et la société, il reste également vivement conseillé de rédiger un contrat afin de préciser clairement les obligations de chacun. En cas de conflits, ce contrat permettra de clarifier les positions de chacun. Parmi les obligations à mentionner dans le contrat, il est recommandé de prévoir que l’hébergeur garantit laccès continu au réseau. Il est de plus en plus fréquent de prévoir des sanctions à l’encontre de l’hébergeur pour l’empêcher de restreindre ou de bloquer l’accès au site en cas de difficultés. La société reste pour sa part responsable du contenu des données. Il est fréquent que figurent des clauses de garantie au profit de l’hébergeur en cas de recours ou condamnation à raison du contenu du site.
C’est la raison pour laquelle, quel que soit l’auteur du site, il reste impératif de sassurer de la légalité du contenu des pages web du site ou de ses sources, sous peine de sanctions pénales et/ou civiles.
Contrôler le contenu du site et le protéger
Les pages d’un site peuvent véhiculer des informations portant atteinte aux droits des tiers. Des rédactionnels ont fait l’objet de poursuites et de sanctions sur le fondement de la diffamation ou du dénigrement. Les sites institutionnels ont aussi vocation à divulguer des éléments de nature très diverse pouvant faire l’objet d’une protection. Tel est le cas de la reproduction de marques, de logotypes, d’extraits de textes, de photographies représentant des personnes identifiables, des lieux privés, des modèles d’objets… A tous ces éléments sont attachés des droits. La reproduction sans autorisation écrite de ces éléments peut entraîner des poursuites judiciaires. Il est donc indispensable de disposer d’un écrit du titulaire des droits sur ces éléments en autorisant la reproduction et l’exploitation sur le site. Cet écrit doit préciser la nature des droits cédés, l’objet exact de l’autorisation, sa durée, son ampleur géographique.
De même, il convient de veiller au moment du choix du nom de domaine à ne pas reproduire un nom portant atteinte à un droit de la personnalité tel que le nom de famille, à un droit dauteur, à lordre public, aux droits dun tiers sur une marque, un nom commercial, une dénomination sociale, une enseigne, une appellation dorigine ou tout autre signe distinctif. Ces précautions sont à respecter même si le nom de domaine est disponible : plusieurs décisions de justice ont déjà sanctionné l’usage illicite d’un nom de domaine notamment sur le fondement de la contrefaçon de marque ou de la concurrence déloyale.
Inversement, les internautes n’ont pas le droit d’utiliser sans autorisation les éléments reproduits sur le site, éléments sur lesquels la société dispose également de droits. Il est conseillé d’insérer une information spécifique à l’attention de l’internaute lui rappelant la protection juridique des pages du site et l’interdiction de reproduction sans autorisation.
Internet a forgé un droit récent en pleine évolution. Si la création d’un site institutionnel impose le respect de règles minimales de précaution, une prudence accrue est nécessaire pour les sites marchands qui feront l’objet de la deuxième partie (1) de cette étude.
(1) Suite de l’étude Internet en toute sécurité :
2ème partie : Le contenu d’un site marchand
3ème partie : Les interconnexions sur internet
Karine ROZENBLUM & Delphine CHLEWICKI HAZOUT
Avocats au Barreau de Paris
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