Ces dernières années ont été plus que compliquées pour nous, professionnels de la piscine. Les conditions climatiques se dégradent de plus en plus, et face à cela, le gouvernement français a mis en place des restrictions qui ont immobilisé certains d'entre nous : interdiction de remplir des piscines, demande de déclarations de travaux refusées, mais aussi et surtout, un manque d'informations claires. Résultat ? Difficile d'agir normalement, d'anticiper ou de se protéger quand on est piscinier. Une mauvaise surprise peut arriver du jour au lendemain, qu'on soit professionnel de la piscine ou tout simplement un particulier qui veut préparer son été.
Adapter votre activité de piscinier à la réalité écologique
La FPP a rapidement réagi et réalisé un travail remarquable au niveau médiatique pour défendre le secteur. Malgré tout, et depuis le pool bashing de 2022, il règne une ambiance incertaine pour l'avenir de la construction, de la rénovation et de l'entretien de piscines. Au-delà des décisions non maîtrisables du gouvernement, les particuliers se questionnent... car la situation climatique en France, mais aussi dans le monde, s'aggrave : catastrophes, canicules à répétition, alertes pollution... Notre planète souffre, c'est un fait que personne ne peut nier, au vu des études scientifiques sur le sujet. Alors, que faut-il faire quand on est piscinier ? Tout arrêter et fermer boutique ? Non, mais il est impératif de s'emparer du sujet.
Une situation factuelle, à partir de bonnes sources médiatiques
- Comprendre
Difficile de fermer les yeux sur ce qui se passe aujourd'hui sur notre planète. Fonte des glaces, épisodes caniculaires, pollution des océans, des terres et de tout ce qui nous permet de vivre... Je ne vais pas m'étaler sur le sujet d'une situation que nous observons tous, et dont nous connaissons aussi les risques et conséquences pour les années à venir. Tout le monde a son avis concernant la situation de la planète et il reste encore notamment quelques climatosceptiques, des personnes qui nient ou minimisent le réchauffement climatique et l'impact de l'être humain sur la santé de la planète. Malgré tout, il est indéniable que tous, à notre échelle, puissions agir. Mais avant cela, nous devons tous écouter les informations scientifiques à ce sujet, en cherchant des sources médiatiques sûres. Car la désinformation fait rage dans un monde digital, surtout dans le domaine de l'écologie, et une fausse rumeur fait vite le tour du globe avec les réseaux sociaux, jusqu'à parfois prendre une ampleur inattendue.
L'écoanxiété, ou comment la peur dirige nos actions
On peut parfois l'oublier, mais le cerveau humain réagit très fort aux informations négatives et les mémorise très bien. Alors, avec les réseaux sociaux, notre esprit est servi ! Quelques vidéos dramatiques (qu'elles soient vraies ou non), et une opinion est déjà construite. Car, oui, les médias sociaux jouent un rôle important en matière de désinformation, mais aussi d'écoanxiété.
L'écoanxiété, c'est le fait de ressentir un mal-être psychologique face à la situation climatique, et la crise environnementale inquiète de plus en plus les Français. Selon une étude menée par plusieurs organismes, dont l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - organisme d'État) :
5 % des Français sont fortement écoanxieux, tandis que 5 % des Français, soit environ 2,1 millions, sont très fortement écoanxieux au point de devoir bénéficier d'un suivi psychologique. Avec, pour 1 % d'entre eux, soit environ 420 000 Français, un risque sévère de basculer vers une psychopathologie (dépression réactionnelle ou trouble anxieux).
Et, vu que la situation de la planète se dégrade, nous pouvons nous douter que l'écoanxiété ne risque pas de diminuer, surtout quand on sait que les plus touchés par celle-ci sont les jeunes. C'est-à-dire les acteurs et les consommateurs d'aujourd'hui et de demain. La peur de l'avenir due à la situation de la planète résulte aussi du sentiment d'impuissance qu'on ressent à notre échelle.

©cokacoka
Alors, pour diminuer cette douloureuse sensation de peur, on essaye malgré tout d'agir, chacun comme on peut. Je pense que c'est une bonne chose, à part quand la peur devient notre unique "driver". Et beaucoup de Français sont dans ce cas-là, sans s'en rendre compte. En ajoutant l'effet réseaux sociaux, encore une fois, à l'écoanxiété, on obtient un bon cocktail d'angoisses, qui nous pousse à l'action, ou au contraire, à l'immobilisme.
Le changement de vision de l'opinion publique
En quelques années - voire quelques mois, car j'ai l'impression que le sujet du pool bashing est apparu d'un coup -, l'opinion publique a basculé. La "pistoche", ce lieu d'éclats de rire et de création de souvenirs familiaux, est vite devenue le repaire des gaspilleurs d'eau, si on relit les gros titres des médias. Comme je le disais au début, la FPP a fait un énorme travail pour remettre les choses dans leur contexte et défendre la profession. Malgré tout, un zoom négatif s'est fait sur le secteur, et si les projecteurs ne sont plus vraiment braqués sur les pisciniers, comme c'était le cas en 2022, l'opinion publique a progressivement pris un virage.
Le secteur de la piscine est aujourd'hui perçu avec méfiance, et je pense que ce sentiment perdurera si les professionnels, au contact des particuliers propriétaires ou futurs propriétaires de piscine, ne prennent pas les choses en main.
Optons tous pour l'écolucidité : considérons la situation climatique telle qu'elle est, et changeons ce que nous pouvons changer à notre échelle.

©Maria Petrishina
La situation, l'écoanxiété et l'opinion publique
- Accepter
Dans un premier temps, je pense que nous n'avons plus le choix et que nous devons accepter la situation. Attention, accepter ne veut pas dire ne rien faire... Mais certains arguments pour lutter contre la situation factuelle, l'écoanxiété ou l'opinion publique ne sont plus tellement recevables aujourd'hui pour le grand public. Minimiser la crise environnementale ? C'est prendre le risque de passer pour un illuminé. Parler de la conséquence de perte d'emploi dans le secteur ? L'innovation est partout, et déjà plus que présente dans l'univers de la piscine, qui trouvera des alternatives comme tout autre marché pour garder son attractivité (surtout avec les nouvelles générations qui changent très facilement de métier).
Fermer les yeux face aux changements dans le monde, et continuer comme si de rien n'était ? C'est mettre une bombe à retardement sur votre business.
Plus que jamais, optons tous pour l'écolucidité : considérons la situation climatique telle qu'elle est, et changeons ce que nous pouvons changer à notre échelle.

©iStock
La part qu'on ne peut pas maîtriser à son échelle
Les professionnels de la piscine, les écoanxieux et les anti-piscines ont un point commun : ils font face à une situation qu'ils ne peuvent pas maîtriser. Et ce manque de maîtrise est extrêmement difficile à vivre, car on essaye de se raccrocher à ce qu'on peut. On tente de faire changer l'autre, de bousculer la réalité. Accepter le fait qu'on ne peut pas diriger autant la situation environnementale que les décisions gouvernementales permet de mettre derrière soi le passé, pour se projeter vers l'avenir. On se focalise ainsi sur les actions qu'on peut mettre en place. C'est ce que je vous invite sincèrement à faire dans un second temps pour votre activité.
Être engagés pour la planète, tout en faisant partie de l'univers de la piscine : c'est possible
Nous évoluons dans un monde où la nuance a de moins en moins sa place, où il faudrait impérativement choisir un camp. Si tu es engagé écologiquement, tu ne dois pas te baigner dans une piscine. Si tu penses à faire construire une piscine, c'est que tu ne penses pas à la planète. Si tu es piscinier, tu es forcément contre les actions écologiques mises en oeuvre. Et si, finalement, c'était beaucoup plus compliqué que cela ? Je pense sincèrement que rien n'est ni ne doit être cloisonné de cette façon. Vouloir agir pour la planète ET aimer se baigner dans sa piscine, ce n'est pas incompatible. Avec cette vision des choses, on a aussi de quoi agir plus efficacement en tant que piscinier.

©Nancy Pauwels
Claire, engagée pour l'écologie, a fait construire une piscine il y a 2 ans
Claire a 40 ans, est mère de 3 enfants, et a fini la rénovation de sa maison. Avec son mari, ils aimeraient faire construire une piscine pour profiter des étés en famille. Ils hésitent pendant plusieurs mois, car ils ont une conscience écologique forte. Ils achètent leurs vêtements de seconde main, prennent le temps de faire des choix respectueux de l'environnement quand ils doivent investir dans un objet, limitent les voyages en avion... Ils se renseignent beaucoup et essayent le mieux possible de "faire leur part" pour la planète.
Alors, le sujet de faire construire ou non une piscine les travaille beaucoup, d'autant plus qu'autour d'eux, certains particuliers font reboucher leur piscine pour des raisons écologiques, ce qui leur fait ressentir un certain jugement de la part de la société. Ils réfléchissent pendant des mois avant de passer le cap, et font appel à 3 pisciniers pour étudier leur projet.
Ils choisissent finalement un professionnel et font construire une piscine maçonnée 6 x 3 m. Mais dans ce projet, s'est invité un sentiment très désagréable : la culpabilité.
J'ai rencontré Claire autour d'un café pour discuter de son expérience. Parmi les professionnels qu'elle a consultés, aucun n'a été force de proposition concernant l'utilisation de matériaux ou d'équipements plus respectueux de l'environnement, ce qui l'a fortement étonnée, au vu du contexte environnemental et de la communication qui est faite à ce sujet en France depuis quelques années.
Elle regrette d'avoir été la seule à parler d'écologie dans son projet de construction, sans que les professionnels soient proactifs. Elle estime avoir dû faire quelques choix seule, avec ses convictions, alors qu'elle aurait apprécié un véritable conseil. Mais surtout, sa culpabilité quant au fait d'avoir une piscine est restée jusqu'à ce que je lui parle des chiffres relatifs à la consommation d'eau des piscines en France - que nous connaissons tous dans le milieu, puisqu'ils ont été fortement relayés grâce aux actions de communication de la FPP.
Est-ce qu'après ça, Claire a décidé de jeter l'eau de sa piscine sans raison pour le plaisir de la re-remplir ? Non. Est-ce qu'elle a décidé de ne plus en prendre soin ? Non plus. Au contraire, ça lui a donné encore plus envie d'agir, mais sans culpabiliser.
Non, détenir une piscine n'est pas incompatible avec un engagement écologique quand on est un particulier.

©Wad
Et la consommation d'eau des piscines en France n'est qu'une infime partie de la consommation d'eau en général. Cependant, le rôle des professionnels responsables de la construction, de la rénovation et de l'entretien est primordial pour faire avancer la société sans détruire le secteur.
Vous l'avez compris, je vous invite à comprendre profondément la situation, en sortant de votre vision de professionnel de la piscine. Cela vous permettra d'accepter cet état de fait et les éléments que vous ne pouvez pas changer. Ce sont deux parties essentielles avant de pouvoir concrètement agir.
- Agir
Vous, pisciniers, vous êtes sur le devant de la scène pour faire changer les choses. Vous subissez vous aussi cette situation, et en plus de cela, c'est de vous qu'on attend des actions. Cela peut paraître injuste, mais c'est ainsi, et rassurez-vous, votre secteur n'est pas le seul à connaître cette situation, que ce soit à cause du réchauffement climatique ou non. Quand on évolue dans un domaine, avec le quotidien et la montagne de choses à faire, nous oublions parfois que nous ne sommes pas isolés dans ces contextes difficiles.
Le point commun des entreprises qui font preuve de résilience par rapport aux bouleversements de leur secteur ? Elles agissent et trouvent des solutions pour perdurer dans la société, tout en continuant à gagner de l'argent.
Le positionnement écoresponsable : une option aujourd'hui, une obligation demain ?
Intégrer l'écoresponsabilité vous apparaît peut-être comme une simple option aujourd'hui dans votre activité ? Je pense que cela sera une obligation pour vous demain. Déjà, parce que l'État pourrait créer des normes ou autres réglementations, le sujet de l'écologie étant devenu central dans les décisions politiques. Mais aussi, et tout simplement, parce que les particuliers attendent des actions concrètes. Autant prendre les devants et ne pas attendre les temps de crise pour agir, car pendant la tempête, nous n'avons pas l'esprit assez clair pour prendre des décisions éclairées.
Dans vos actions de construction, de rénovation et d'entretien
Très concrètement, vous devez intégrer une nouvelle dimension à votre métier, en proposant des solutions écoresponsables dans vos services. Vous avez de la chance, vos fournisseurs se sont déjà emparés du sujet pour la plupart !
L'innovation se développe plutôt très bien dans le secteur.
De nouveaux produits plus respectueux de l'environnement ont été développés, et les anciens ont été améliorés pour inclure des options d'économie d'eau, d'électricité ou de produits de traitement.
Les formations proposées par les fournisseurs, mais aussi par les organismes sont de précieuses alliées pour intégrer la dimension écologique dans vos actions. Partagez aussi ces dernières en allant plus loin, en intégrant une démarche RSE - Responsabilité sociétale des entreprises - à votre structure.
Selon economie.gouv. fr, la RSE « désigne la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable. Une entreprise qui pratique la RSE va donc chercher à avoir un impact positif sur la société, tout en étant économiquement viable. » Un sujet profond, dont nous parlerons peut-être dans un prochain article.
Auprès de votre clientèle
« Je suis dans le savoir-faire, pas dans le faire-savoir » : ne tombez pas dans le piège de cette phrase toute faite. Aujourd'hui, cette façon de penser vous sera délétère. Vos prospects comme vos clients ne peuvent pas deviner ce que vous ne communiquez pas.
C'est à vous d'amener le sujet de l'écologie dans votre activité, vous ne pouvez plus laisser vos clients actuels et futurs dans le flou concernant votre vision de la situation écologique.
D'ailleurs, si vous êtes déjà engagé, dites le très clairement à vos clients dès le début de votre relation. Cela sera un non-sujet et vous pourrez vous concentrer directement sur le projet de piscine.
Redéfinissez votre stratégie marketing et commerciale avec ce nouveau pan écologique. Et attention au greenwashing : parlez uniquement de ce que vous mettez réellement en place, au risque de détruire votre réputation. Il y a beaucoup de choses à faire face aux bouleversements écologiques, mais une chose est sûre : le monde de la piscine de demain, c'est vous qui le créez.
Vos prospects comme vos clients ne peuvent pas deviner ce que vous ne communiquez pas.

©mal erapaso
Pauline Kara Mikinda a passé 7 ans au contact des pisciniers avant de créer MOTEMA CONSEILS son entreprise de conseils marketing. Dans cette rubrique, elle parle marketing, bien sûr, mais aussi stratégie d'entreprise, développement commercial, digital... avec l'envie de rendre accessibles à tous les tendances et innovations business.
