Vendeur de piscine ou vendeur d'eau ? On va finir par se le demander... Toujours est-il qu'il va falloir faire face. Le point lors des dernières assises de la FPP et auprès de quelques acteurs de notre secteur.

Les défis du secteur de la piscine face aux enjeux de l'eau

Avant d'être politiquement correct, parlons franc, entre professionnels. La bataille « sociale » engagée contre les piscines nous met à rude épreuve. Pourquoi ?

• Parce que les journalistes qui s'adressent au grand public ont trouvé un excellent sujet pour faire le buzz, provoquer la polémique et attiser les haines, n'ayons pas peur de le dire.
• Parce que les amendes annoncées (1 500 EUR pour le particulier qui remplit sa piscine, jusqu'à 3 000 EUR supplémentaires en cas de récidive, et 7 500 EUR pour le professionnel qui remplit celle de son client) frisent la démagogie. Aux dernières nouvelles, 20 départements étaient concernés par ces restrictions. 

Un arrêté préfectoral (Pyrénées-Orientales) en date du 9 mai précise : " Le remplissage et l'appoint en eau de l'ensemble des piscines et bassins à usage privé (maison individuelle, gîte, copropriété, meublé de tourisme) est interdit. La vente, la cession, la location ou la pose de piscines et bassins pouvant être directement installés par les particuliers est suspendue. L'utilisation des bains à remous et spas, dès lors qu'ils ne sont pas raccordés à un système de récupération totale et de réusage des eaux est interdite. Dans le cas de travaux de construction d'un bassin engagés avant la date de publication de l'arrêté, et dans le seul cas où peut être établi auprès de la police de l'eau un risque d'atteinte à l'intégrité du bassin en cas d'absence de mise en eau, le premier remplissage du bassin est autorisé."

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a suivi en déclarant à l'identique : " La vente, la cession, la location ou la pose de piscines et bassins pouvant être directement installés par les particuliers est suspendue." Il s'agit ici des piscines hors-sol.

A côté de ça, toujours dans les Pyrénées-Orientales et toujours le 9 mai, la préfecture a autorisé la réouverture des parcs aquatiques. Les hôtels, les résidences de tourisme et les campings pourront également remplir leurs piscines. Ces remplissages devant se limiter strictement aux quantités imposées et prenant en compte les bonnes pratiques "sécheresse" édictées par l'ARS.  "Les pédiluves sont exemptés", précise tout de même l'arrêté.

Allez... on ose poser la question : à quand l'interdiction, pour les hôtels 4 et 5 étoiles, et la permission pour les hôtels de catégories inférieures ?

En parallèle aux actions des pouvoirs publics, la presse ne tarit plus d'éloges à notre égard. La Montagne, le 15 mai, écrit : " Les Français privilégient un bonheur privé, au détriment parfois de l'espace public et de la vie civique."

Emmanuelle Wargon, ministre du Logement, renchérit en déclarant : "La maison avec jardin et les lotissements seront obsolètes à long terme."

L'histoire date pourtant de plus longtemps. En effet, en août 2022, à Gérardmer (Vosges), qui subissait une importante pénurie d'eau, les spas de cinq habitations avaient été éventrés. Les propriétaires avaient retrouvé un morceau de papier sur lequel était écrit : " L'eau, c'est fait pour boire." Bref, c'est l'utilisation non essentielle de l'eau qui est reprochée, une utilisation non vitale.

Il faut préciser qu'en pratique, et pour l'instant, les forces de l'ordre - qui interviennent principalement sur dénonciations du voisinage ! - ne sanctionnent pas, mais avertissent. Cette mise en garde concernant bien évidemment le particulier, mais pas le professionnel qui serait immédiatement sanctionné, il va sans dire.

Pour reparler des Pyrénées-Orientales, les agents de la police de l'eau déclarent : " On fait des patrouilles trois ou quatre fois par semaine. On va aussi programmer des sorties le soir et la nuit." Les agents patrouillent à la recherche d'usage excessif de l'eau dans les quartiers. La traque continue le long du canal. Branchements pirates, prélèvements illicites. Les infractions qui relevaient d'une certaine tradition, sautent désormais aux yeux. Du côté de la préfecture, on constate une augmentation des dénonciations de la part du voisinage. Vincent Darmuzey, Chef du service eau et risques de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer, confirme : " On a des appels pour nous dire que le voisin arrose, remplit sa piscine... c'est plus facile de faire venir la police de l'environnement plutôt que de dire à son voisin qu'il faut économiser l'eau. "

Changement d'image en vue

Conséquence : notre secteur d'activité qui avait une image positive en s'assimilant aux loisirs, au bien-être, à la famille, aux amis, au bonheur, aux projets... prend une étrange tournure vers une image négative, en devenant responsable de tous les maux. Elle prive tout le monde de l'eau essentielle à la vie, pour n'être à disposition que de certains nantis, qui l'utilisent seulement par plaisir. Tout est dit.

Désormais et très concrètement, que faire ?

• Se souvenir des points de repères et des chiffres de comparaison annoncée par la FPP : les 3 millions de bassins installés en France ne représentent que 0,15 % de l'utilisation de l'eau au niveau national soit environ 40 millions de m3 par an. Les fuites des réseaux français d'eau potable gaspillent chaque année plus d'1 milliard de m³ d'eau.
• Faire attention à la communication véhiculée afin de ne pas provoquer de réactions négatives.
• Déculpabiliser les propriétaires actuels et futurs propriétaires de piscine. N'oublions pas que 44 % des possesseurs d'un bassin sont des ouvriers/employés ou agriculteurs, et 39 % correspondent à des foyers dont les revenus (par foyer) sont inférieurs à 3 000 EUR. 
• Utiliser tous les équipements techniques économes en énergie et en eau. Ils existent déjà. C'est le rôle d'information et d'apprentissage auprès de la clientèle qui devient essentiel.
• Favoriser plus que jamais la tendance "petite piscine".
• Rappeler le rôle social de la piscine. Largement mis en exergue par le secteur des piscines publiques, l'apprentissage de la natation est aussi assuré en bassins privés. Sans oublier le rôle sportif et de maintien en forme.
• Présenter la piscine comme une alternative éco-responsable face aux déplacements générés par les vacances, émetteurs de carbone. Sachant que 74 % des français estiment que la piscine est LE service indispensable pour des vacances réussies !

Part de la consommation d'eau d'une piscine sur la consommation d'eau annuelle

Les équipements : un rôle déterminant dans la consommation d'eau

Les différents équipements entrant dans le fonctionnement d'une piscine ont une influence sur l'utilisation de l'eau :

• Mettre en place une couverture ou un abri de piscine afin de limiter fortement le phénomène d'évaporation (entre 40 % et 90 % évités).
• Préférer un filtre à cartouche (ou poche filtrante) pour économiser, par l'absence de contre-lavage, ou installer des solutions de récupération et de traitement des eaux de contre-lavage pour les filtres à média filtrants granulaires avec témoin de turbidité (sable, verre, etc.). On peut ainsi économiser jusqu'à 7 m³ d'eau par an si l'on adopte l'une de ces solutions de filtration).
• Installer des systèmes de récupération d'eau de pluie et de trop-plein pour l'alimentation des bassins (pluviométrie moyenne annuelle 90 cm/m²).
• Adopter des systèmes automatisés pour optimiser le traitement de l'eau, et donc sa conservation pendant des années.

Les petites piscines : une réponse aux restrictions d'utilisation de l'eau qui correspond en plus aux attentes du marché ©Piscines de France

Les professionnels de la piscine engagés pour une gestion responsable de l'eau

Les professionnels de la piscine sont très impliqués par la question de la gestion raisonnée de l'eau. La Fédération des Professionnels de la Piscine et du spa se mobilise à la fois auprès des professionnels et du grand public pour favoriser l'engagement des pisciniers et l'information de les propriétaires et usagers de la piscine. La FPP a ainsi élaboré une nouvelle charte à destination des pisciniers adhérents et a lancé une campagne d'information pour sensibiliser à la bonne gestion de l'eau auprès du grand public. Elle lutte aussi contre la désinformation en intervenant dans les médias et en interpellant les pouvoirs publics.

Le guide de transition écologique de la FPP est paru ! Son objectif : aider les entreprises adhérentes à la FPP à comprendre les enjeux de la transition écologique et à mettre en place des actions concrètes, que ce soit en matière d'économie d'eau, d'énergie ou de gestion des déchets. En outre, ce guide de 22 pages identifie les aides financières, les accompagnements et les contacts utiles qui peuvent aider les entreprises à faire leur transition. A télécharger sur www.propiscines.fr.

Les Assises Professionnelles de la Piscine, événement devenu incontournable pour les professionnels du secteur, se sont déroulées les 28 et 29 mars 2023 au Parc Chanot de Marseille. Un événement complet regroupant une journée d'échanges entre professionnels et une demi-journée consacrée à l'assemblée générale de la FPP.  Le thème central : « Le piscinier 2025 : la nouvelle génération de pisciniers avertis, engagés, adaptables et innovants ».

Joëlle PULINX, Déléguée générale de la FPP et Stéphane FIGUEROA, président de la FPP.

Au sujet de l'eau... Voici quelques pistes évoquées aux Assises :

• " Il va falloir se réinventer et trouver des solutions. "
• " Changer la saisonnalité va devenir un impératif pour ne plus subir les restrictions des arrêtés en plein chantier. "
• " Les récupérateurs d'eau vont faire partie de notre équipement sur les chantiers, mais aussi sur salon et dans nos magasins d'exposition, même pour vider un petit spa. "
• " L'éducation de la clientèle va prendre une place importante dans notre métier. "
• " L'artificialisation des sols ne doit plus avoir de secret pour nous.  "
• " La communication doit se faire doucement pour s'adapter correctement. "
• " Nous devons absolument tous avoir le même langage en suivant les consignes de la FPP.  "
• " Ne surtout pas faire de comparaison avec les piscines. "
• " Le monde entier travaille sur le sujet, mais c'est la France qui pilote le groupe environnemental de norme environnementale européenne ! "
• " Les Etats-Unis sont en avance sur nous. Des exemples sont à suivre. "

Le message au coeur des Assises de la FPP : Anticipation, organisation et sensibilisation auprès des clients !